Quand nos ainés se souviennent (2/2)

Tous nos témoins d’aujourd’hui Vrigny n’ont pas vécu pendant la dernière guerre dans notre village

 

Un habitant de Seine et Oise en 1941, nous raconte qu’un jour, il est appelé pour réparer une ligne électrique venant tout juste d’être bombardée. Il arrive dans son camion équipé d’un gazogène sur un secteur criblé de trous de bombes certaines n’ont pas explosées mais il doit rétablir le courant électrique au plus vite. Le voici montant au sommet du poteau de bois et réparant la ligne, à peine revenu à son véhicule, une énorme explosion retentit. Une bombe fichée au pied du poteau venait soudain d’exploser à retardement …

Son épouse travaillait officiellement aux PTT, là elle pouvait y elle intercepter en secret les messages dénonçant des français résistants, sauvant ainsi ces patriotes d’une arrestation par la police allemande et d’une mort probable. Or un jour, elle se fit voler son sac à main dans le métro. Ce sac contenait un peu d’argent, sa carte d’identité, mais aussi avec un signe de reconnaissance pour ses compagnons de résistance : un brassard de tissus portant le sigle FFI (Forces Française Insurgées dirigées par le général KÅ“nig), dont elle était membre, ainsi que son mari.

Autant dire que si ce brassard était tombé aux mains des troupes d’occupation ou de la police de Vichy, c’était l’arrestation et pire encore. Après plusieurs jours d’angoisse, le voleur rendit le sac, délesté de l’argent, mais avec le précieux brassard, et surtout, il s’abstint de dénoncer sa propriétaire à la kommandantur allemande.

 

Pour Jean Pierre les années 1940, furent une enfance campagnarde à côté de Chateauroux. Son village possédait alors une grande exploitation agricole d’élevage de mouton. La municipalité pour venir en aide à ses habitants, manquant alors du nécessaire du fait de la guerre, dotait les familles du village d’un ballot de laine brute charge pour elles de s’organiser afin d’en confectionner des vêtements. Mais que faire de laine tout juste tondue sur quelques moutons, et comment la transformer en pullover ?. Alors commençait l’aventure d’une journée. Il fallait prendre le train pour se rendre à la filature la plus proche pour faire transformer le ballot de laine brute en précieux fil à tricoter. Remis le matin, la laine était récupérée le soir, en ayant subi un long processus industriel : lavage, cardage, filage en grosse pelotes de laine à tricoter.

A cette époque où tout faisait défaut, certaines bassesses se faisaient jour. Ainsi ce boulanger d’un village du Berry, odieux personnage, qui retranchait une vingtaine de grammes de pain à la ration de l’enfant. Ce vol , cet abus d’un adulte vis-à-vis d’un enfant sans défense, Jean Pierre ne l’oubliera jamais et cette frustration reste vive et présente comme au premier jour où le l’injustice fut commise.

Ce manque généralisé de toutes sortes de fournitures de la vie quotidienne demandait astuce et débrouillardise. Luc se rappelle que les pneus de vélo, bien souvent le seul moyen de locomotion avec la marche çà pied, étaient introuvables dans le commerce. Alors il fallait gratter avec soin le pneu à réparer, jusqu’à en faire disparaitre toute trace de relief. Puis il collait dessus une bande de chambre à air découpée dans celle d’un camion. En l’occurrence son cousin garagiste lui fournissait des chambre à air de car dont le diamètre correspondait à peu près au diamètre requis. Pour les chambres à air de vélo, il n’y avait pas d’autre alternative que de les remplacer par des bouchons de liège glissés dans le pneu. On peut imaginer l’inconfort d’une bicyclette ainsi équipée…

Tous ces souvenirs de petites ou grandes frayeurs, de victoires sur l’adversité et les privations du quotidien nous ont été aimablement confiées par nos ainés que nous remercions tous pour nous avoir un moment raconté quelques uns de leur souvenirs d’une époque sans télévision, ni Internet, d’une époque pas si lointaine

 

De quand date notre église ?

Nous nous proposons d’évoquer aujourd’hui l’église de Vrigny, en nous rappelant que la christianisation de notre région remonte aux temps anciens, sans doute vers le Vème siècle, époque de l’évangélisation de St Martin de Tours et où vécut St Caprais, vénéré sur notre commune, en forêt, à Châtillon.

Il y eut sans doute à cet emplacement au cœur du bourg un premier lieu de culte dont nous n’avons pas mention. L’église que nous voyons au XXème siècle, date de plusieurs époques, nous allons essayer le l’analyser.

Nous remarquons tout d’abord le clocher qui domine la place de son toit en bâtière caractéristique de notre région. Il s’agit d’un clocher en façade en vogue dès l’époque romane, comme ceux de Courcy-aux-Loges, Santeau, Mareau-aux-Bois, Ramoulu, inspirés par le clocher-porche de St Benoit-sur-Loire, abbaye dont nous mesurons mieux l’influence sur l’architecture religieuse de notre région. Cependant, une plaque scellée à droite du portail roman, nous indique que ce clocher a été reconstruit en 1660 par Achille de Longueau, Seigneur des Cinq-Chènes, un Clérambault, apparenté aux Longeau-St-Michel. Il est dépourvu de contreforts comme c’était l’usage au 17° siècle (temps de Louis XIV) et la porte d’accès, avec sa clé pendante, confirme cette datation. Les ouvertures du haut sont du même modèle et la fenêtre de l’étage est surmontée des armoiries d’Achille de Longeau. En pénétrant sous le clocher, nous nous trouvons devant la porte d’entrée, elle a l’aspect d’une porte romane : un tore (boudin) la surmonte, souligné d’une archivolte, mais sans chapiteaux. Le même style de porte se retrouve à Bouzonville-aux-Bois et des exemples comparables existent à Guigneville, Engenville, Césarville, Marsainvilliers, La Neuville-sur-Essonne, Orveau. Il pourrait s’agir, en l’absence de chapiteaux, d’une forme tardive. Dans tous les cas, les nefs auxquelles ces portes donnent accès, datent de l’époque de St-Louis (XIIIème siècle), ici aussi sans doute, avant la reconstruction de la nef en 1870.

Continuant notre visite, nous descendons pour entrer dans la nef de trois travées, séparée du chÅ“ur par un transept (en saillant). Nous savons (Abbé Patron – recherches historiques sur l’Orléanais – Orléans 1870-1871) que la nef, menaçant ruine, fut reconstruite en style néo-gothique, cher au XIXème siècle, mais l’on a gardé le clocher, la porte et l’abside. Cette abside est à cinq pans, ce qui est plutôt rare dans une région où l’on utilisait le plus souvent le chevet plat. Il est possible qu’elles aient été refaites après les dégâts dus à la guerre de cent ans, d’après l’ébranlement des baies, que l’on distingue très bien dans le cimetière. Comment était l’église avant ? Nous ne le saurons sans doute jamais… L’église primitive, dédiée à St-Jean-Baptiste, fut ensuite placée sous le vocable de Notre-Dame de l’Assomption. Plusieurs statuts de Saints rappellent les dévotions de nos ancêtres : St-Aignan, St-Etienne, St-Jean l’Evangéliste, St-Jean-Baptiste, Ste-Jeanne-d’Arc, St-Joseph, St-Luc, St-Mathieu, Ste-Thérèse de l’Enfant Jésus, sans oublier Notre Dame.

Le mobilier est intéressant : la chaire, classée monument historique du XVIIème siècle, présente les sculptures du Christ et de trois évangélistes, le banc d’œuvre, qui lui fait face, est du XIXème siècle comme les autres éléments du mobilier : les bancs, les lustres. Nous avons remarqué en entrant, à droite, les fonds baptismaux, provenant de l’église de Limiers, au nord en allant vers Bouilly-en-Gâtinais, paroisse décimée par la Grande Peste du 14° siècle et dont les derniers vestiges furent détruits en 1822. Deux peintures : l’une dans le fond de la chaire représente une Assomption de la Vierge, l’autre est un portrait de la Bienheureuse Marie-Madeleine Pazzi carmélite, mystique florentine (1566-1607). Deux pierres tombales et deux plaques commémorent des membres de la famille Richer, propriétaires du château de la Brosse au XVIIème siècle.

L’église, riche d’un long passé, est bordée au nord par le cimetière dont les croix de fer forgé constituent un patrimoine précieux.

Connaissance et Sauvegarde du Patrimoine.

Geneviève Terrasse